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Quand j’étais petite, j’étais prédestinée à atterrir dans la case « tu seras intelligente ma fille ». Je n’avais pas une vie extra scolaire extra développée, le sport n’était pas mon ami. J’étais forte à l’écrit et nulle en gym, les clichés ont la vie dure. Quand mes copines faisaient de la danse ou du tennis, je passais mes mercredi après-midi à la bibliothèque municipale. J’en ai lu tous les livres les plus intéressants au milieu des années 90 et à chaque anniversaire je demandais des livres, des livres et des livres.
J’ai été élevée dans les bibliothèques. Mon père est conservateur de bibliothèque, je connais le fonctionnement d’une BU sur le bout des doigts. Mes deux grands-pères étaient instituteurs et toute ma vie j’ai vu ces pans de mur recouverts par deux épaisseurs de livres dans leurs bureaux. J’ai des gènes de bibliothécaire à lunettes vivant avec ses chats dans son petit appartement. Je m’en suis rendue compte lorsque j’ai regardé Capital il y a quelques semaines et que j’ai eu envie de pleurer quand j’ai vu des tonnes de livres envoyées au pilon. S’il y a bien une chose que je ne supporte pas, c’est la dégradation des livres. Je ressens ça comme un crime contre l’humanité, contre le savoir et la vie intellectuelle, une condamnation à mort, même si c’est une énième bio de Sarkozy qu’on recycle en papier d’emballage, j’imagine ce que ressent celui ou celle qui l’a écrite, oui, t’as les boules ! Le pilonnage devrait être puni par la loi.
Evidemment, avec ce genre d’idées, je passe pour une folle auprès des réfractaires à la lecture. Avant je fréquentais des scientifiques qui m’en ont sorti des vertes et des pas mûres. « Lire, c’est chiant », ou encore plus fort « je ne lis jamais (sous entendu de romans) c’est une perte de temps ». C’était des économistes qui résonnaient en termes de productivité et d’efficacité. Lire entraine une inactivité physique, zéro production, le chiffre d’affaire n’augmente pas, l’entreprise ne génère pas de surplus, l’activité intellectuelle est nocive à la productivité, donc je ne lis pas. Soyons productifs mais cons, c’est un choix. Jean-Luc Delarue, tu tiens ton sujet de la semaine prochaine. Du coup le débat était un peu limité, la productivité, je m’en tamponnais, je préférais corriger les fautes d’orthographes de ceux ou celles assis à côté de moi.
Là, comme ça, on se dit « oh là, cette fille est totalement psychorigide et chiantissime. C’est bien le genre à se regarder un film mexicain en vo en deuxième partie de soirée sur Arte (oui mais c’était Amores Perros avec Gael Garcia Bernal), ou à enchainer les émissions littéraires à 2h du mat’. Elle finira seule avec ses chats et ses bouquins poussiéreux et on retrouvera son corps dévoré par des bergers allemands. »
Ouais, bah non (sauf pour les films en vo), enfin j’espère pas. Les émissions littéraires, c’est pas ma cup of tea. Déjà parce que c’est effectivement diffusé à pas d’heure, ou alors le Bateau Livre sur France 5 est regardable en journée, mais bon, c’est pas la franche marrade. Rien que les critiques littéraires de Paris Première me sortent par les yeux (vade retro Elisabeth Quin et son amphigouri !). En plus il faut vraiment s’y prendre tôt pour me fidéliser à quelque chose (ou alors s’appeler Yann Barthès ou Ali Baddou), on n’a pas inventé la télécommande pour rien. Non, pour moi, la télé est plus efficace dans les sujets à images (idée révolutionnaire, je sais), le cinéma, la musique, les séries télé, bref tout le reste, et surtout les débilités américaines de télé réalité. Si les livres me remplissent le cerveau, la télé me vide la tête. Ma niaiserie préférée, c’est le Bachelor. J’avoue qu’au début, je trouvais le concept parfaitement machiste : un bellâtre qui gère un harem et vire les filles les une après les autres. Mais très vite, j’ai réalisé le pouvoir addictif (ah ce mot n’existe pas pour Word…) de la chose. Je n’ai rien d’une féministe prête à brûler son soutif, d’autres l’ont fait bien avant moi. J’ai regardé les trois saisons sur M6 (une préférence pour la saison 2, avec des candidates gratinées, voir ici ). Je vous dit pas le drame quand j’ai appris qu’il n’y aurait pas un quatrième gus prêt à chercher sa dulcinée. Je ne prends pas ça au premier degré, quoique, mais voir ces filles totalement hystériques prêtes à crever les yeux des adversaires pour gagner le gros lot, ça me fait marrer. Pas marrer méchamment, juste rire. Elles sont folles, je veux bien croire qu’être isolé du reste du monde normal perturbe, et toute cette hystérie féminine condensée en un seul point, je trouve ça rigolo. Et puis ça s’est arrêté. Je regardais les bandes annonces des Bachelors américains avec envie. Ils ont fait plus de 10 saisons je crois, et chaque année ils remettent ça. Ils se ressemblent tous plus ou moins : grand, musclé, châtain clair blond au soleil, c’est Ken reproduit à l’infini (sauf cette année, ils ont pris un anglais).
Jusqu’au jour où j’ai eu la tnt. Et sur la tnt, on peut regarder tout plein d’émissions hautement intellectuelles comme Next et... tous les dérivés du Bachelor. Ô joie !
Age of Love, des jeunettes de 20 ans contre des horloges biologiques en déroute dans la bonne quarantaine botoxées comme il se doit. Au milieu, un ancien joueur de tennis avide de gloire télévisuelle mais légèrement dépassé par les querelles générationnelles.
Bachelorette, une fille cherche l’homme de sa vie. C’est moins hystérique, les mecs ne hurlent pas dès qu’il se passe quelque chose, mais l’idée est là.
Egalement, Bachelorette et les hommes aux masques de fer (Mr Personnality) : la demoiselle ne voit jamais les visages des prétendants et se base sur leurs qualités intellectuelles (et la fameuse beauté intérieure).
Ou alors Bachelorette à Brokeback Mountain : une fille du Midwest cherche le cow-boy de sa vie mais parmi les candidats se cachent des gays. Et si elle tombe amoureuse d’un gay, c’est ce dernier qui remporte l’argent, elle n’aura plus que ses yeux pour pleurer (je crois que c’est de là que venaient mes rêves de Stetson chauds bouillants. Et Matthew McConaughey est prêt pour Brokeback Mountain 2 ! Ca n’a rien à voir, mais c’était dans les résultats Google image pour Stetson. Et Tom Brady fait aussi de la pub ! mais pourquoi on n’a pas ça chez nous ? Ok j’arrête sur le sujet, les cow-boys auront ma peau !).